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Mettre une personne sous tutelle sans son accord : que dit la loi ? 

Temps de lecture : 12 min

Malgré l’insistance de vos proches, votre placement sous tutelle vous semble injustifié ? Vous souhaitez protéger une personne de votre entourage ayant des difficultés à préserver ses intérêts, mais les désaccords persistent ? Si la tutelle est une mesure de protection, cette dernière entraîne tout de même une privation de liberté pour le majeur protégé. C'est la raison pour laquelle certaines personnes s'opposent fermement à cette mesure.  Alors, est-il possible de mettre une personne sous tutelle sans son accord ? Quelles sont les conditions à respecter pour y parvenir ? Ma Vie de Senior vous éclaire...

Mise-sous-tutelle

SOMMAIRE

Mettre une personne sous tutelle sans son accord : quelles sont les conditions ? 

L’altération mentale ou physique doit être constatée par un médecin 

Coût d’une consultation médicale et mesure de tutelle d’une personne sans son accord : l'apparition des premiers conflits ?

Refus de mise sous tutelle sans l'accord de la personne : les 3 scénarios envisageables 

FAQ sur la mesure de tutelle sans l'accord de la personne à protéger 

Mettre une personne sous tutelle sans son accord : quelles sont les conditions ? 

Toute personne désireuse de placer un proche sous tutelle sans son accord doit respecter les conditions suivantes : 

  • La personne à protéger subit une altération de ses facultés mentales ou physiques
  • L'état de santé de la personne majeure doit être constaté par un médecin  

Demande de tutelle et altération des facultés mentales : que dit le Code civil ? 

L’article 425 du Code civil est clair : « Toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts, en raison d’une altération de ses facultés mentales de nature à empêcher l’expression de sa volonté, peut bénéficier d’une mesure de protection juridique. »

Pour placer une personne sous tutelle, sous curatelle ou sous sauvegarde de justice, le demandeur doit donc prouver que la personne à protéger n’est pas capable d'exprimer sa volonté. De plus, cette incapacité doit mettre en péril ses intérêts personnels, comme son patrimoine par exemple. 

Altération des facultés mentales : des exemples pour mieux comprendre 

Pour vous aider à mieux appréhender la notion d’altération des facultés mentales exigée par la loi, voici quelques exemples : 

  • Personnes âgées souffrant de maladies liées au vieillissement : difficultés à se repérer dans l’espace et le temps, dégénérescence cognitive (maladie d'Alzheimer, Parkinson…), dépression mélancolique (forme de dépression dans laquelle la personne ne connaît aucun plaisir, peu importe l’activité réalisée)…

 

  • Personnes atteintes de déficience intellectuelle : difficultés ou incapacité à lire, à écrire, à compter, à raisonner de manière logique, à comprendre des documents administratifs, à gérer un budget...

 

  • Majeurs confrontés à des troubles psychiques : schizophrénie, bipolarité, anxiété sévère, troubles de la personnalité (conduites suicidaires, paranoïa, comportements violents, phobie sociale), troubles obsessionnelles compulsifs (TOC).

 

  • Individus ayant de sérieux problèmes d’addiction, à condition que les symptômes associés aient une influence néfaste sur les capacités de raisonnement. 

Il faut souligner que la mise sous tutelle d’une personne majeure contre sa volonté est décidée par le juge au cas par cas. Ainsi, la présence d’une maladie (Alzheimer) ou de troubles psychiques (TOC) n’entraînent pas la mise sous tutelle de manière automatique. 

Vulnérabilité et altération des facultés mentales : des notions à ne pas confondre lors d'une mise sous tutelle 

Une personne souffrant d’une dégradation de ses facultés mentales se retrouve dans une situation de grande vulnérabilité. Cela étant dit, à l'image des personnes âgées, certains individus vulnérables sont tout à fait capables de sauvegarder leurs intérêts et d'exprimer leur volonté de manière raisonnée.

Par exemple, Martine, âgée de 83 ans, souffre de troubles du vieillissement : pertes de mémoire occasionnelles, insomnie, difficultés de concentration. En dépit de sa vulnérabilité grandissante, Martine gère son budget et son patrimoine de manière optimale. 

Si les troubles rencontrés par Martine ne sont pas faciles à vivre, ces derniers n’altèrent pas ses facultés mentales : la mise sous tutelle contre sa volonté n’est donc pas une mesure pertinente dans son cas.

Placement sous tutelle d’un proche contre sa volonté : l’altération physique est-elle suffisante pour le juge ? 

L'altération physique peut également donner lieu à une mise sous tutelle sans l'accord de la personne à protéger. Voici ce que dit le Code civil et la justice sur ce sujet. 

Altération physique : quels sont les critères pour mettre un proche sous tutelle sans son accord ? 

L’altération des capacités corporelles peut donner lieu à une mise sous tutelle. Il peut s’agir d’une personne atteinte de tétraplégie, de paraplégie, d’aphasie ou de traumatismes cérébraux provoquant une perte d'autonomie sévère. 

Pour mettre une personne sous tutelle sans son accord, le demandeur doit prouver que la perte d'autonomie physique rend impossible l'expression de sa volonté et la protection de ses intérêts (article 425 du Code civil). 

C'est le cas par exemple de la vente en viager effectuée pour le compte d'une tierce personne par abus de faiblesse ou de l'impossibilité pour la personne vulnérable de gérer ses obligations administratives (déclarations fiscales par exemple). 

Mise sous tutelle d’un proche sans son accord et altération des facultés physiques : 3 exemples de décisions de justice  

Comparativement aux troubles mentaux, les juges des contentieux de la protection sont plus réticents à ouvrir une mesure de tutelle en cas de troubles physiques.

En effet, nombreuses sont les personnes en situation d’invalidité physique à pouvoir exprimer leur volonté de manière autonome. 

Pour preuve, lorsqu’un juge a décidé de mettre une personne sous tutelle sans indiquer que l’incapacité physique l’empêchait d’exprimer sa volonté, la Cour d’Appel a systématiquement censuré la décision. 

Ce fut le cas pour les 3 personnes âgées suivantes : 

  • Personne souffrant d’un déficit visuel incompatible avec la consultation de documents bancaires (décision censurée) 
  • Individu se déplaçant en fauteuil roulant et souffrant d’une perte d’audition sévère (décision censurée)
  • Senior atteint de sclérose en plaques mettant en péril son autonomie (décision censurée) 

Évidemment, les personnes aveugles, confrontées à une grave perte d'audition ou atteintes de sclérose en plaques peuvent bénéficier d’une mesure de tutelle.

Toutefois, le juge ne doit pas se contenter de constater ces troubles physiques pour accepter une mise sous tutelle, mais attester que l'incapacité a des conséquences néfastes sur la protection des intérêts de la personne concernée (ce qui n’était pas le cas dans les 3 situations mentionnées ci-dessus).

L’altération mentale ou physique doit être constatée par un médecin 

Qu’il s’agisse d’une dégradation des facultés mentales ou physiques, l’état de santé de la personne à protéger doit faire l’objet d’une consultation médicale. 

Pour disposer d’un avis médical représentatif de la réalité, l’article 431 du Code civil indique que la consultation doit être réalisée par un médecin agréé par le procureur de la République. 

En plus d’être un expert des mesures de protection (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice), ce médecin agréé prendra en charge le majeur pour la première fois : contrairement à un médecin de famille, celui-ci n’a donc aucun lien émotionnel avec la personne à protéger, ce qui le rend apte à rendre un avis totalement objectif.

La liste des médecins agréés est délivrée par le tribunal d'instance du lieu de résidence de la personne à protéger.

Coût d’une consultation médicale et mesure de tutelle d’une personne sans son accord : l'apparition des premiers conflits ?

Fixé par un décret de 2008, le coût de la consultation chez un médecin agréé est élevé : 160 €, sans compter les éventuels frais de déplacement.

Cette somme n’étant pas remboursée par la Sécurité sociale, deux solutions sont envisageables :

Solution 1 : la personne à protéger prend en charge la consultation médicale 

Lors d’une mise sous tutelle sans l’accord de la personne, il y a fort à parier que cette dernière refuse de payer la somme réclamée par le médecin agréé, dans le but de complexifier la procédure.

Solution 2 : un membre de la famille avance les frais

Le proche qui prend en charge la consultation auprès du médecin agréé peut demander un remboursement sur les avoirs bancaires de la personne à protéger. Ce remboursement implique d’obtenir l’accord du juge ou du futur tuteur.

Naturellement, faire payer la personne à protéger en désaccord avec sa mise sous tutelle est susceptible de dégrader les relations entre la personne vulnérable et le demandeur. 

C’est pourquoi les proches sont nombreux à prendre en charge le coût de la consultation sur leurs fonds personnels. Point trop n'en faut ! 

Refus du senior à rencontrer le médecin agréé : comment ça se passe ?

En plus de refuser de payer le médecin agréé, la personne faisant l’objet d’une mise sous tutelle sans son accord peut tenter de perturber la procédure, notamment en :

  • refusant de se déplacer au cabinet médical ;
  • n’ouvrant pas la porte au médecin agréé dans le cas d’une visite à domicile ;
  • se rendant volontairement absente au moment du rendez-vous à domicile.

Dans ce cas, l’article 1212 du Code civil donne au juge le pouvoir d’ordonner l’expertise médicale. Si, malgré cette mise en demeure judiciaire, la personne concernée ne souhaite toujours pas rencontrer le médecin, un certificat de carence est rédigé par ce dernier.

Ce certificat de carence permet à la procédure de suivre son cours. Le juge doit donc se baser sur d’autres éléments objectifs pour rendre sa décision : avis médicaux antérieurs, rapports de situation réalisés par des professionnels du médico-social…

Refus de mise sous tutelle sans l'accord de la personne : les 3 scénarios envisageables 

Nous l'avons vu : bien que les conditions à respecter soient strictes, placer une personne sous tutelle sans son accord est possible. Pourtant, certaines situations peuvent donner raison à la personne vulnérable. 

Situation n°1 : le tribunal refuse la tutelle du majeur sans son accord 

À compter du dépôt du dossier par le demandeur de la mise sous tutelle, le juge dispose d'un an pour rendre son verdict. Ce délai permet au juge de déterminer si les conditions de la tutelle sont remplies.

En pratique, le juge procède à : 

  • l'audition de la personne à protéger, du demandeur et des proches si besoin ; 
  • l'analyse du certificat médical établi par le médecin agréé. 

Si la situation de la personne à protéger est incompatible avec sa mise sous tutelle sans son accord, le juge refusera la requête du demandeur. Le demandeur peut faire appel de la décision dans les 15 jours à compter de la notification de la décision. 

Situation n°2 : la personne à protéger refuse sa propre mise sous tutelle

Lorsque la juge accepte le placement sous tutelle de la personne à protéger, cette dernière peut contester la décision.

Pour ce faire, un appel doit être réalisé par LRAR (Lettre Recommandée avec Accusé de Réception) dans les 15 jours qui suivent la notification de la décision. 

Pour multiplier ses chances de voir la décision annulée, la personne à protéger peut se faire représenter par un avocat en droit de la famille.

Cas 3 : les proches de la personne âgée ne sont pas d'accord avec la mise sous tutelle d'un parent 

Le scénario est le suivant : le juge a accepté la mise sous tutelle sans l'accord de la personne à protéger, mais certains membres de la famille s'opposent à cette décision. C'est le cas par exemple lorsque le demandeur de la mise sous tutelle a lancé la procédure de manière isolée, sans prévenir les autres membres de la famille.

Ici, le proche qui s'oppose à la tutelle de son parent peut faire appel de la décision dans les 15 jours qui suivent la décision du juge. 

En revanche, seuls certaines proches sont autorisés à faire appel, à savoir : 

  • des membres de la famille : conjoint, partenaire de Pacs, concubin, enfant, frère, sœur, parent, cousin...
  • toute personne entretenant des liens étroits et stables avec la personne à protéger : un voisin ou un ami par exemple.

FAQ sur la mesure de tutelle sans l'accord de la personne à protéger 

Comment mettre quelqu'un sous tutelle sans son consentement ? 

Placer un proche sous tutelle sans son accord implique la constitution d'un dossier complet par le demandeur. Ce dossier doit comporter les pièces justificatives suivantes :  

  • Copie de l'acte de naissance et de la pièce d'identité de la personne vulnérable 
  • Copie de la pièce d'identité du demandeur 
  • Copie de la pièce d'identité et justificatif de domicile du tuteur pressenti (si un choix est déjà envisagé par les proches) 
  • Lettres dans lesquelles des membres de la famille donnent leur accord sur le choix du tuteur 
  • Document attestant du lien de parenté entre le demandeur et la personne à protéger (exemple : contrat de mariage s'il s'agit du conjoint) 
  • L'énoncé des raisons qui justifient la mise en place de la tutelle 
  • Le certificat médical réalisé par le médecin agréé 
  • Le formulaire Cerfa 15891*03 complété 
  • Deux avis de valeur d'un bien immobilier si une vente est prévue 

Mise sous tutelle en urgence : combien de temps ? 

À compter du dépôt du dossier de mise sous tutelle par le demandeur, le juge a 12 mois pour rendre sa décision. Or, l'urgence de certaines situations est incompatible avec une telle attente : altération subite des facultés mentales ou physiques, tierce personne abusant de la vulnérabilité de la personne à protéger...

Pour éviter une dégradation rapide de la situation, le juge peut ordonner une mesure de tutelle provisoire, y compris sans l'accord de la personne à protéger. 

Que deviennent les biens d'une personne sous tutelle ?

Lors de la tutelle, le tuteur désigné assure la gestion du patrimoine et des finances de la personne à protéger dans le respect de ses intérêts et de ses droits fondamentaux.

Pour s'assurer du sérieux de cette gestion dans les actes de la vie quotidienne, le tuteur doit rendre des comptes en remettant un rapport de gestion annuel au juge. 

En cas de décès, les biens de la personne sous tutelle sont transmis aux héritiers dans les conditions prévues par la loi. La tutelle n'a donc pas d'influence sur la succession. 

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